MS Cendrillon

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Journal de voyage

2015 Gênes – Singapour sur le cargo MS Cendrillon pour Singapour

 

 

Toutes les photos du voyage à bord du Cendrillon ici2015_cendrillon2_mini

 

…celles de la Malaisie et de Singapour ici2015 Singapour_mini2

 

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April 2014

La réservation du voyage de 24 jours est faite, initialement de Trieste à Singapour auprès de Frachschiffreisen Pfeiffer. Finalement le voyage sera de Gênes à Kuala Lumpur en Malaisie.

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Juin 2014
L’agence m’informe que le départ devrait être avancé de 12 jours au 28 décembre 2014.

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Octobre 2014
Le monde du transport de marchandises étant en constante évolution mon voyage est modifié pour la quatrième fois. Je devais initialement partir le 10 janvier 2015 de Trieste sur le MS Berlioz, puis le 28 décembre 2014 de Trieste sur le MS Cendrillon puis le 31 décembre 2014 de La Spezia sur le MS Almaviva et finalement le 6 janvier 2015 sur le MS Cendrillon, qui a repris la tournée du MS Almaviva – un peu compliqué non ?
Dernière nouvelle: l’arrêt à La Spezia est supprimé donc je vais embraquer à Gênes. Le périple s’annonce palpitant, départ de Gênes pour Algeciras puis Tanger, Malte, canal de Suez, Port Saïd, Kuala Lumpur et débarquement à Singapour 27 jours plus tard.

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Le navire

Le CGM CMA Cendrillon en quelques chiffres:
– numéro IMO: 9449819
– année de construction: 2009
– longueur: 334 mètres
– largeur: 43 mètres
– vitesse maximum: xx km/h
– temps pour passer de marche avant en marche arrière: 300 secondes
– rayon de braquage à 21 noeuds: 55o mètres et 7 minutes
– poids: 110’000 tonnes
– capacité de carburant: 3’500 m3
– autonomie: 17 jours
– puissance totale des générateurs: …
– membres d’équipage: …
– consommation d’eau douce: …

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Novembre 2014
Je m’apprête à réserver mon vol de retour de Singapour ainsi que l’aller retour de Corinne qui me rejoindra à mon débarquement à destination. Pour diminuer les risques je demande toutefois une confirmation des dates à l’agence.

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Décembre 2014
Bien que l’agence recommande toujours la prudence quant aux dates, nous décidons néanmoins de réserver les vols puisque les prix montent de jours en jours. Le résultat est: aller de Corinne le 1 février 2015 et retour ensemble le 22 février 2015.
Préparation des bagages
Mon sac est très lourd puisque j’emporte pour la première fois mes jumelles, une dizaine de livres, du chocolat et l’ancien laptop de Guillaume, que je pourrai utiliser en mode local sur le bateau et en mode wifi dans les hôtels en Malaisie et à Singapour. Comme d’habitude j’ai pris beaucoup trop d’habits et pas toujours les bons. L’avenir nous le dira.

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Janvier 2015
Nouvelle de dernière minute: le navire ne s’arrêtera pas à Singapour… donc débarquement à Port Klang, Kuala Lumpur.
L’heure du départ pour Gênes a enfin sonné. Le 8 janvier 2014 …

 

Embarque Simone !

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Jour -3: dimanche 4 janvier 2015
L’heure du départ a enfin sonné après toutes ces péripéties sur les modifications de routes et de bateau. Romane et Clémence me font des grands signes depuis la fenêtre de la cuisine, place anciennement celle du chat Mortimer. Corinne m’emmène à la gare de Neuchâtel. Le voyage en train pour Gênes se passe sous un ciel radieux par Berne et Milan. L’anticyclone des Açores annoncé fait ses effets. Arrivé à Gênes deux minutes me suffisent pour me rendre à l’hôtel Galata sur la Via Andrea Doria. Le Cendrillon devrait arriver à Gênes cette nuit à 4h du matin. Je vais souper juste à côte de l’hôtel avant d’aller au lit.

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Jour -2: lundi 5 janvier
La première tâche du jour avant le petit-déjeuner est d’appeler l’agent de la CMA CGM de Gênes. Je l’atteins instantanément et il me dit que je le bateau est au terminal de Voltri à 15 km au nord de Gênes, et que je peux le rejoindre quand je veux, Le bateau n’appareillera 2015_voltri_minique demain soir. Je décide donc de ne le rejoindre que cet après-midi et de profiter et de visiter Gênes. Une visite du port historique et touristique s’impose et je profite du soleil depuis l’île flottante d’Isola delle Chiatte située en plein milieu du port des ferries et de plaisance. Je visite l’excellent Galata Museo del Mare, avec entre autre une reconstitution d’un bateau emmenant les émigrants en Amérique qui illustre les conditions de voyage difficiles de l’époque. Un sous-marin visitable donne une idée des conditions non-moins difficiles des sous-mariniers. Le projet d’extension et de modernisation de toute la zone portuaire de Voltri à Gênes, appelé Leonardo, est présenté avec maquettes à l’appui. Un petit dîner s’impose que je prends dans un resto familial mythique sous la gare. Les excellentes lasagnes maison au four sont servies en 15 secondes chrono et le reste s’enchaîne de la même manière. Comme conseillé par le patron de l’hôtel, je prends le bus pour Voltri à environ 45 minutes de trajet. Le chauffeur qui me promet de me dire où descendre m’oublie complètement et je me retrouve au terminus de la ligne. Il me fait ses plus plates excuses et je refais le trajet inverse sur quatre stations. Je marche ensuite dans le terminal sans savoir où aller avec mon bagage. Aucune des rares personnes que je rencontre ne peut me renseigner. Je rappelle l’agent, une hôtesse lui explique où je me trouve et je reçois enfin des instructions valables. Je me rends à guérite sécurité, présente mes papiers, et une navette me conduit au bas de la passerelle du Cendrillon. Après un accueil sur le pont supérieur je suis conduit dans mon appartement de 35 m2. Tout est parfait sinon que le lit est un peu dur, mais je m’y habituerai.

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Jour -1: mardi 6 janvier
Après une longue nuit réparatrice je profite du lever du soleil pour prendre quelques photos de la ruine du Costa Concordia qui est amarrée à une demi encablure parallèle à nous, et qui est en cours de démolition. Le temps est magnifique mais les marins philippins se 2015_costa_c_minigèlent comme toujours car peu habitués à nos climats. Les activités commerciales vont bon train et quatre portiques s’occupent de décharger puis charger quelques milliers de conteneurs dans un ordre bien précis, les premiers déchargés à la prochaine escale seront les derniers chargés, et les matières dangereuses plutôt à l’extérieur. Une deuxième visite de Gênes s’impose puisque le navire n’appareillera qu’à minuit. Je reprends le bus pour 45 minutes. Un tableau noir à la sortie du bateau indique l’heure limite au delà de laquelle il n’est plus possible de quitter le navire (Shore Leave Expiry), soit 22h00, et l’heure de départ et indiquée 24h00. En plus de la vieille ville, je visite la réplique d’une caravelle espagnole appelée Neptune construite il y a trente ans en Tunisie. C’est assez kitch mais ça donne une assez bonne idée de la vie d’enfer que les marins subissaient à l’époque. Avant de me mettre au lit je m’assure que mes stores anti-lumière sont baissés pour de ne pas perturber la navigation dans la passerelle située juste au-dessus. La passerelle est dans la nuit noire pour pouvoir surveiller les nombreux écrans et surtout scruter la mer. Seule la salle des cartes est éclairée mais cachée derrière un rideau noir.

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Voyager en cargo
Une telle aventure se construit. La relative solitude doit se gérer et quelques activités sont bonnes pour éviter l’ennui, comme l’écriture, la lecture, l’activité physique et surtout réfléchir sur soi et sa vie. Pédalant au gymnase en écoutant les Jacques Brel, Johnny Cash et autres Jo Cocker de ma jeunesse, tous morts et qui me font toujours vibrer, j’imagine que je vais suivre le même chemin un de ces jours. C’est une excellente occasion pour se rappeler que la vie est éphémère. Madeleine avec qui j’ai passé un mois à bord du HS Schubert en 2013, et des dizaines de parties de Rummikub, décédée en août, a fait écrire sur son faire-part « Das wars, tschüss zäme ». Cette femme à tout compris et ses mots me reviennent souvent à l’esprit. Une autre phrase du faire-part laisse supposer qu’elle a elle-même choisi son jour. Dans un registre un peu moins métaphysique, sur le MS Cendrillon il faut aimer la paix, la mer, les gens, les bateaux et les grosses machines. Rester discret est une règle de base mais je constate que ma compagnie est très apprécié sur la passerelle. Lorsque que je dis que je m’en vais, les marins de quart me disent au revoir avec des regrets incontestables dans la voix. La plupart trouve tout de même stupide que des gens un peu fous payent 100 euros par jour pour monter sur un bateau qui n’offre, ni distractions, ni buffets et ni hôtesse. Mais tout de même, le capitaine a mis sa chemise blanche et ses galons pour venir me saluer personnellement le premier jour à Gênes, ça n’est pas arrivé sur le Queen Elizabeth. En plus on m’a attribué le plus bel appartement du château, mieux que celui des officier qui passent leur vie sur le bateau. Question paix, les temps sont en train de changer, sur le HS Schubert en 2013 il n’y avait que des possibilités d’envoyer des mails de temps à autres. Sur le MS Cendrillon en 2015, j’ai ma propre adresse e-mail et le wifi sera installé dans les ponts supérieurs à Port Kelang dans 3 jours.

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Jour 1: mercredi 7 janvier
Au milieu de la nuit je sens que le navire a appareillé car les vibrations ont changé. Nous longeons la côte italienne direction Algecira en Espagne. Une impressionnante succession de phares et de balises marquent la nuit de leurs éclats. Ce deuxième lever matinal avant le soleil, a laissé des traces dans mon dos, vite éliminées par quelques exercices d’étirements. Le soleil se lève écarlate et crée des ombres multicolores sur les boîtes (conteneurs). Le temps est calme et nous naviguons sud ouest par 2 beaufort et des creux d’un mètre. Mon programme du jour: gymnastique pour commencer, journal de bord puis après le dîner, visite sur la passerelle pour discuter de la suppression de l’escale de Singapour qui était ma destination finale, et quelques autres aspects de la vie à bord. J’aimerai aller faire le tour du pont supérieur du bateau mais je constate en regardant dehors que le vent fraîchis et le bateau commence à bouger sérieusement, donc à voir. Finalement cette journée fut extrêmement productive pour moi car les contacts sont établis avec l’équipage, le capitaine, les officiers et les autres. Le plus important est que je suis bienvenu sur la passerelle où on m’offre le thé. Le 1er officier Nebojsc m’accompagne pour faire le tour complet du pont supérieur, de la proue à la poupe et même plus….. Le plus étonnant de la journée est que le capitaine me crée un compte e-mail avec l’adresse: PHenry@cendrillon.cma-cgm.atseamail.com, le monde des voyages en cargo perd son dernier havre de mystère. L’après-midi se termine par un magnifique couché de soleil qui envahi mon appartement en musique.

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Le bateau
Construit en 2009 il est assez moderne. Les meilleures illustrations du point de vue accommodations sont l’ascenseur et la piscine. La piscine est vide pour l’instant en attendant que l’eau de la mer soit plus chaude qui n’a que 17o pour le moment. Il y a aussi une salle de 2015_piscine_minigym et des mini salons-lavoir à chaque étage. En théorie, les mesures de sécurité sont strictes. On ne peut sortir du château qu’équipés d’un casque, d’une combinaison et de chaussures de sécurité. Je reçois donc ce matériel mais constate que la théorie est bien loin de la pratique et que les règles se relâchent à volonté. L’histoire de l’alcool à bord un peu est compliquée. Le dernier capitaine, qui a débarqué à Malte deux jours avant que je n’embarque, l’avait totalement interdit. Le nouveau qui l’a remplacé est un peu plus tolérant et l’autorise plus ou moins, il va donc réapprovisionner la cambuse en alcool à Malte lorsque nous y serons dans 4 jours. J’ai tout de même reçu une bouteille de vin rouge grâce à mon statut de passager. La capacité de porte-conteneurs se mesure en teus, qui correspond au nombre de conteneurs de 20 pieds (modèle court) que le navire peut charger. Le CMA CGM Cendrillon a 8’488 teus.

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Jour 2: jeudi 8 janvier2015_nav_mini
Journée de navigation normale, sans encombre. Après un peu de gymnastique je fais ma première tournée à la proue. L’endroit reste magique pour moi, pas un bruit puisque les moteurs sont à 300 mètres en arrière et on n’entend que le bruit de l’eau bouillonnante contre la coque. Je vais me méfier car le soleil est assez intense et ma peau encore en mode hiver. Anouk et Guillaume m’envoient une quittance des premiers messages envoyés depuis mon adresse nouvellement créée – donc ça fonctionne bien.

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Jour 3: vendredi 9 janvier
Nous avons rendez-vous avec le pilote à 0h30 devant Algeciras et les opérations d’accostage devraient se terminer sous les portiques à 3h00. Les opérations peuvent commencer et le bateau est en train d’être vidé de ses boîtes. La capitaine m’explique qu’une nouvelle route sera attribuée au Cendrillon. Après l’Asie il sera envoyé en Russie puis sur la côte. ouest du Canada et des USA Ce matin le « Shore Leave Expiry » tarde à être fixé, j’attends donc pour aller à terre. Nous sommes en train de charger 1000 tonnes de fuel et larguerons les amarres autour de 15h30. Nous traverserons le détroit de Gibraltar pour 2015_gibraltar_miniatteindre Tanger à seulement 20 miles nautiques. Nous appareillons comme prévu et deux remorqueurs nous tirent contre un vent de travers de force 5 à 6, puis nous retournent après la digue – belle manoeuvre sous le soleil. Le problème est que nous n’avons rendez-vous avec le pilote de Tanger qu’à 23h. Parce que nous quittons la Communauté Européenne pour aller au Maroc, nous avons l’obligation légale d’aller attendre en dehors des eaux territoriales espagnoles. Nous filons donc à 12 miles au large et nous nous laissons dériver, moteurs arrêtés depuis 17h30. Nous dérivons tout de même à 0.5 noeud surface et 1 noeud fond. Une bande d’une vingtaine de dauphins a décidé de passer la soirée en notre compagnie et s’amuse dans la lumière d’un projecteur qui éclaire l’eau. J’ai la chance d’assister à un bal des dauphins magique.

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Algeciras
Je sors du bateau avec la consigne d’être de retour à 12h00. Je me rends à pied au gate du terminal ce qui est strictement interdit. Le garde me revoie donc au bateau et ne veut me revoir qu’équipé d’un casque, de chaussures de sécurité et d’un gilet jaune avec 2015_algeciras_minil’interdiction d’y aller à pied. Je dois donc attendre la navette du port. Je reviens équipé et peux enfin sortir du terminal. En fait, personne à bord n’a su me donner des instructions précises à ce sujet. J’atteins la ville après 15 minutes de marche. Ce petit coin de ville n’est ni beau ni moche, il est un peu moderne, un peu rustique, un peu délabré, avec tout de même un petit air arabisant avec des mosaïques et quelques bâtiments d’inspiration arabe. Le marché du jour est très animé. Dans les rues adjacentes, quelques prostituées me font des propositions en anglais en roulant les r, elles n’ont pas l’air d’être native du coin. Ma visite qui dure deux heures est un peu courte mais ce sont les aléas des voyages en cargo. Je rentre satisfait en taxi jusqu’au portail du terminal et monte la passerelle du navire à 11h59 – pas mal joué !

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Jour 4
Nous sommes à quai depuis 3h30. La question du jour est de savoir si la visite de Tanger est possible. Il y a plusieurs restrictions qui se présentent. Tout d’abord, le bruit circule que, puisque nous sommes sur un navire anglais, le pavillon nous impose un niveau de sécurité 2015_tanger_mini2, donc pas de sortie possible. L’autre restriction est que Tanger est à 50 km, un peu loin. Résultat des courses, je resterai à bord. Il faut dire c’est toujours un peu stressant d’aller à terre car si on ne retourne pas à l’heure, le bateau s’en va tout simplement, et c’est toujours un soulagement lorsqu’on se retrouve sur le bas de la passerelle. Le MS Marstal Maersk …. teus, est à côté de nous en cours de transbordement. Le bateau est énorme avec 21 conteneurs de large, 6 de plus que nous. Tous les bateaux de la compagnie Maersk sont reconnaissables à leur coque bleue ciel et qui ont des prénoms féminins. Pour la petite histoire, c’est le fondateur de Maersk qui a financé l’opéra de Copenhague. C’est une journée calme sans sortir du bateau pour les raisons évoquées au-dessus, et en plus j’ai un gros rhume. Nous larguerons les amarres à 23h pour retraverser le détroit de Gibraltar au nord puis à l’est direction Malte. Malheureusement j’hérite d’une rangée de conteneurs devant mes fenêtres vers l’avant et ne vois plus que sur tribord – on fera avec. Pour compenser cette perte je lave la fenêtre restante soigneusement.

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Jour 5
Le rhume a perturbé mon sommeil mais les Acetaminofen d’Anouk ont bien limité les dégâts. Le temps est beau et calme ce matin avec une petite brise dans le dos. Le capitaine dit que nous avons du retard et devons marcher à 22,5 n pour rester dans notre fenêtre d’arrivée à Malte. Il est possible que notre arrêt soit plus long que prévu. Nous devrions arriver demain vers 22h30 mais les conditions météo ne s’annoncent pas très bonnes devant nous. Notre passage en face des côtes Algériennes me permet d’écouter des informations en français.

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L’équipage
Sur tous les bateaux les marins travaillent 7 jours sur 7 sans jours de congé. Les européens travaillent 2 * 4 heures par jour et les surplus se rajoutent sans compensation particulière, comme les manoeuvres, les tests sécurité ou les tâches administratives. Les salaires dépendent de la politique de la compagnie et non pas des pavillons d’enregistrement des navires. La CMA CGM va payer tous ses marins de la même manière qu’ils soient sur un pavillon français où Libérien. Le Cendrillon a un équipage de 29 marins dont une moitié de Philippins, deux Indiens et l’autre moitié de Croates et de Serbes. Par la force des choses et naturellement, ces derniers parlent croate entre eux, ce qui ne m’enchante pas vraiment. Le temps de repos des philippins est de 14 heures par jour et celui des européens de 16 heures. Je ne sais pas quel passe-passe juridique les compagnies utilisent pour justifier cela… Skoda est le nom de famille du capitaine ce qui explique pourquoi il est si mordu par les voitures du même nom, il en possède une évidemment, nous avons un point commun. C’est un mordu de jeux vidéo en particulier le foot. C’est d’ailleurs le passe-temps favori des officiers européens. Celui des philippins est plutôt le karaoké. Le capitaine précédent n’était pas très apprécié et est qualifié de brutal (en anglais) par certains. Un mécanicien n’est pas très sympa avec moi, lorsque j’arrive quelque part, il s’en va en grognant en croate, mais un de ses collègue m’explique qu’il est irritable car il s’est fait piqué sa copine par deux noirs, ceci explique peut-être cela.

Un métier pas sans danger. Le 1er officier me raconte que l’année passée un gars a été tué sur le coup lors d’un amarrage à l’avant du bateau alors qu’une aussière s’est rompue, il a été pratiquement décapité. Il se trouvait simplement du mauvais côté de la bite d’amarrage. Un autre gars, la même année écrivait un texto assis sur une barrière. Il a tenté de rattraper son téléphone lorsque qu’il lui a glissé des mains et est tombé à l’eau. Evidemment, personne ne l’a vu disparaître et c’est un pêcheur qui l’a repêché sept heures plus tard – quand on a de la chance…

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Jour 6
Le navire se met à rouler méchamment à 3h du matin, mais mon lit est assez large pour que je puisse me mettre en travers pour ne pas rouler moi-même. Par contre le désastre arrive à 8h heures alors que je suis assis au petit-déjeuner. Le bateau se met à rouler comme 2015_gite_minijamais. Imaginons que tous ce qui se trouve sur les tables est projeté par terre et cassé, les poubelles et les chaises retournées, et c’est ce qui est arrivé. J’ai juste pu sauver mon café en l’empoignant avant qu’il ne vole. Après ces péripéties, l’odeur du vinaigre domine dans le mess, et le steward, la mine défaite regarde le résultat découragé. Le capitaine interdit l’accès aux ponts extérieurs à tout le monde aux haut-parleurs. Selon le 1er officier nous avons subit plus de 15 degrés de roulis. En fait nous naviguons parallèle aux vagues à 23 nœud, ce qui explique ce roulis extrême. En plus le bateau est mal équilibré car les boîtes sont vides et il faut l’abaisser au moyen des ballastes pour assurer l’immersion de l’hélice qui l’est actuellement à 99 %. La situation s’améliore vers 9h lorsque le vent de force 5 à 6 s’est tourné vers l’arrière. Le temps est magnifique et je capte la chaine Radio Tunisie International. Rendez-vous est pris avec le pilote devant Malte à 22h, mais notre place est encore occupée par un autre bateau, il faudra donc compter avec du retard.

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Jour 7: 13 janvier
Nous avons amarrés dans la nuit au terminal de Marsaxlokk, endroit bien connu de tout le monde avec un nom pareil ! une orthographe si facile à retenir. Dès notre arrivée quatre portiques géants s’acharnent à poser 2300 conteneurs vides sur notre navire. Pourquoi vides, parce qu’il est évident que l’on transporte plus de marchandises d’Asie vers l’Europe que l’inverse. Notre terminal est une plaque tournante majeure en méditerranée. Il dessert 140 ports dont une quarantaine en Afrique du Nord dont la Syrie. Grâce à une alliance entre la CMA CMG française, une compagnie chinoise et une autre arabe, le trafic actuel de 2 millions de boîtes en transit devrait augmenter de 800’000 unités par an. Départ prévu demain à 6h.

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Malte, La Valette
C’est le 9ème jour de beau temps depuis mon départ de Bevaix. J’organise mon départ à terre pour visiter la Valette, capitale de Malte, à 30 minutes de bus du Freeport terminal. Il semble que les procédures de sortie sont beaucoup plus simples ici qu’à Algeciras et qu’il n’y 2015_marsaxlokk_minipas besoin de porter des équipements de sécurité pour traverser le terminal. J’ai une excellente impression de l’île, sa nature est verdoyante, les monuments omniprésents avec d’immenses églises partout. Les gens ont l’air de bien vivre, probablement grâce au beau temps permanent et à l’emploi disponible dans l’île. Je ne savais pas avoir autant d’amis ici car tout le monde me salue par un « my friend ». Le centre de la Valette est d’une rare beauté pour une ville méditerranéenne, relativement bien entretenue, propre et des bâtiments cossus et authentiques. On voit que l’argent est présent à voir le nombre de banques, d’instituts financiers, de jeunes qui viennent apprendre l’anglais et le nombre de navires enregistrés sous pavillon Maltais. Le patron du magasin qui me vend mes six cartes postales a une Rolex en or au bras. Il se l’est achetée il y a trente ans à Bienne et une même aujourd’hui vaudrait tout de même 25’000 francs.

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Jour 8
Il est 4h30 et les portiques de chargement sont levés ce qui est annonciateur d’un départ imminent. Nous avons chargé 5186 conteneurs, tous sont vides, sauf 60 d’entre eux. Est-ce le reflet de la balance commerciale entre l’Europe et l’Asie ? Les remorqueurs commencent à 2015_gym_minis’approcher de nous, lentement, comme des scarabées flottants. Réveillé je m’habille pour suivre les opérations. Nous nous retrouvons au large dans la nuit voguant au cap 105 degrés tout droit sur le canal de Suez. Nous y seront le 16 janvier à 22h où nous jetterons l’ancre, et nous seront intégré dans un convoi pour traverser le canal. Ce sont les mesures pour se protéger du terrorisme. Nous allons filer à 15.5 nœuds pendant 3 jours et deux nuits. C’est une journée chargée, petit-déjeuner, gymnastique, lecture sur ma plage, tour du bateau sur le pont supérieur, envoi de quelques messages, lessive, repassage et enfin terminer la journée avec un livre Daddy’s Gone A-Hunting de Mary Higgins Clark. Grâce au laptop prêté par Guillaume, je me suis lancé dans la transcription de mon journal de voyage en Amérique du nord en 1974, il y a 5 carnets et j’en ai déjà écrit 30 pages et je suis très amusé à retrouver ces vieilles histoires.

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Jour 9
Une nuit calme s’achève, le vent a molli à force 2 avec des vagues de 0.5 mètres. La température monte de jour en jour et je vais pouvoir mettre les chaussettes et les sous-vets au placard pour les six semaines à venir. Ma cabine n’est à une température de 17 degrés le 2015_passerelle_minimatin tout comme l’extérieur et la mer. Nous naviguons au cap 105 depuis 36 heures à une vitesse surface de 15.5 (STW) et vitesse fond de 14.5 (SOG), et ça va durer jusqu’à Suez. L’officier de quart nous demande d’avancer nos montres d’une heure. Quelques membres d’équipage se plaignent car ils vont perdre une heure de repos, alors que d’autre vont perdre une heure de travail. Je passe une bonne heure à lire sur ma « plage privée » qui est en fait la passerelle du pont F bien abritée du vent mais pas de la suie du moteur.

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Jour 10
Une journée identique se lève, même beau temps, même cap, même vitesse et même petit-déjeuner. La nouveauté du jour est que nous allons jeter l’ancre devant le canal de Suez à 20h. Alors que je lis au soleil sur ma plage je constate que le trafic devient intense et nous 2015_attente_minicroisons des plateformes de forages pétroliers, d’autres navires de la CMA CGM et ceux bleu ciel de la Maersk Line. L’arrivée au mouillage dans la nuit est impressionnante avec la vingtaine de navires déjà ancrés et faisons de même. Nous devrions ensuite rejoindre le « Great Bitter Lake » puis jeter l’ancre une deuxième fois.

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Canal de Suez
Nous sommes le 17 janvier à 6h du matin, La journée s’annonce passionnante avec l’entrée dans le canal. L’ambiance sur la passerelle est studieuse et attentive aux sons bigarrés des accents qui se suivent à la radio, chinois, français, arabes, hollandais…. En nous annonçant, nous devons répondre aux questions des autorités du port, pédigrée du bateau, de la cargaison, de l’équipage, tirants d’eau avant et arrière, vitesse minimum et j’en passe. La vitesse minimum est une donnée critique car elle représente la vitesse la plus basse à laquelle le bateau reste manœuvrant. Nous sommes toujours ancrés à quelques miles du canal. L’étape ancrage 2015_ports_minidans le Great Bitter Lake est abandonnée pour d’obscures raisons, Les bateaux attendent, tous ancrés et orientés dans le même sens par une légère brise. La vision de tous ces géants de fer dans une brume matinale est assez magique. Nous attendons d’être appelle pour être placé dans le convoi de 50 cargos. Les noms des navires s’égrainent sur le canal 12 de la radio, minutes après minutes, associé au nom de celui que chacun devra suivre. Le port nous appelle à 8h45 et donne l’ordre d’être « engine ready » à 12h00 et suivre le MS Mumbay. Rendez-vous est pris à la bouée 135 avec le pilote, devant le canal, mais l’heure n’est pas connue, ce qui stresse la passerelle où chacun a revêtu une chemise blanche avec les galons qui correspondent à son rang. Nous sommes dans le canal à 14h, cinquante navires à la queue leu-leu. Que dire des premiers 60 km du canal: des hautes barrières, des bases militaires, une ligne de chemin de fer et une route à quatre pistes; et quoi sur les camions ?…des centaines de conteneurs. La traversée du canal va durer une dizaine d’heures. Au milieu du trajet nous changeons de pilote. L’attente devant le canal nous a fait perdre 16 heures.

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Jour 12: 18 janvier
Nous sommes sortis du canal à minuit et longeons le golfe de Suez dans un chapelet de bateaux. Si mes calculs sont bons, s’il passe 50 2015_golfsuez_minibateaux par jour dans chaque sens, ça donnerait 36’500 bateaux par année à 100’000$ chacun… Je ne me souvenais plus que le golfe de Suez était si beau, des rochers froissés, rouges sombre émergeants d’une belle eau bleue. A 10h nous croisons Ra’s Mouhammad à 12 miles à babord, où en décembre 1977 nous faisions de la plongée sous-marine avec Corinne et Max. J’envoie une photo à Max en souvenir. Cette fois la température monte vraiment et rester sur la plage devient difficile pour moi. Nous sortirons du golfe de Suez dans 2 jours pour entrer dans le golfe d’Aden.

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La route des pirates
La liste avec photo des navires actuellement aux mains des pirates est affichée sur la passerelle, certains ont complètement disparus. Une stratégie des pirates est d’utiliser des bateaux de pêche, de faire semblant de pêcher, et si un bateau passe assez lentement et pas trop haut, ils sortent leur armes et attaquent. Le Cendrillon est trop haut et trop rapide pour être une cible privilégiée. Il faut dire qu’il y a actuellement une assez grande coalition internationale qui tente de lutter contre cette piraterie. Quelques mesures de protection sont toutefois prises à bord du Cendrillon. Les hublots sont obscurcis avec des cartons pour ne pas être vu la nuit. On a même une « citadelle » au fond du bateau pour nous réfugier avec quelques vivres et de l’eau au cas où, et qui est équipée d’une radio permettant de contacter une central d’appel à Dubaï. Nous n’empruntons pas le corridor protégé des pirates pour deux raisons, la première est qu’elle coûte 50 $ par conteneurs, nous en avons 5186 conteneurs à bord, donc ce serait une facture de 25’000 $, la deuxième est que la route hors corridor est plus courte. En naviguant hors corridor les marins reçoivent une prime de risque. Le capitaine m’avoue après coup, et je m’en doutais, que toutes ces mesures de protection ne sont que foutaises. Une attaque est peu probable par des bandits sur des barques de 15 mètres, nous marchons trop vite et notre pont est trop haut pour eux.

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Jour 13
Jour anniversaire de Guillaume. Ce même jour en 2014 nous étions sur le Queen Elizabeth et en 2013 j’étais sur le HS Schubert, pas de chance de fêter avec le jubilaire. Je lui souhaite un bon anniversaire par e-mail. Toujours le beau temps. Un fort vent de travers de 30 2015_plage_mininœuds, force 7, fait vibrer le bateau mais le fetch étant cours (nous sommes dans une mer intérieure) les vagues ne sont que de deux 2 mètres. Nous passons Djeddah en milieu d’après-midi et sortirons de la Mer Rouge demain. Aujourd’hui 13h, rendez-vous est pris avec le 2nd Engineer pour visiter la salle des machines, mais avant coupe de cheveux avec la tondeuse prêtée par le capitaine. La journée se termine par un magnifique couché de soleil sur une mer métallique et un vent à mollissant, puis lasagnes et apfel trudel comme dessert. Je termine mon Mary Higgins Clark que je vais pouvoir donner au chef ingénieur qui est accro de lecture en anglais.

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La salle des machines
Ce n’est pas tout à fait l’enfer mais plutôt le purgatoire, le bruit, la chaleur, les vibrations et pas de fenêtres. Yvan le 2nd Engineer me fait visiter l’essentiel. Il y a quatre générateurs dont un seul est actuellement utilisé car les conteneurs sont vides et ne demandent pas 2015_machines_minid’électricité. Le moteur principal a 12 cylindres sur une longueur d’au moins 20 mètres. Il fonctionne à l’huile lourde sauf lorsque le bateau est à moins de 200 miles des côtes des USA où il doit passer au diesel sans soufre, moins polluant. Les mêmes règles vont être adoptées en Europe. Chaque cylindre est contrôlé individuellement et automatiquement par ordinateur, combustion, admission, échappement et tout le reste. L’économie de fuel est l’obsession à bord, certains équipements sont remplacés par d’autres plus efficaces. La compagnie a modifié les bulbes (la pointe avant immergée du bateau) de tous leurs bateaux. Ils ont coupé les anciens et ressouder des nouveaux avec une forme moins ronde, apportant un gain de 2%, et un rendement d’investissement de 6 mois. Un jour comme aujourd’hui, à 20 nœuds de vitesse nous devrions brûler 150 tonnes de fuel lourd.

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Jour 14
Le temps est légèrement couvert ce matin mais la journée s’annonce intéressante. Nous devrions entrer dans le golfe d’Aden après avoir2015_carte_mini passé le détroit de Bab El Mandeb vers 15h. Le détroit très étroit a une séparation de trafic à respecter. Nous longeons déjà l’Erithrée à tribord et le Yemen à babord. Dario de la passerelle, nous demande d’avancer une nouvelle fois nos montres d’une heure. Le soleil se montre donc je vais aller lire une heure sur ma plage. J’entame un nouveau livre, Heartbreak Hôtel de Deborah Moggach, pour une fois une histoire sans cadavre et drôle.

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Jour 15
Même temps qu’hier avec un vent plus musclé d’au moins 6 beaufort de face qui fait vibrer le bateau. Comme toujours, les climatisations sont toujours trop froides à mon goût. Il fait 17 degrés dans mon appartement et si j’ouvre la fenêtre la température monte à 20-22 degrés. Je décide que depuis maintenant j’ouvrirais la fenêtre de ma cabine systématiquement pour réchauffer l’atmosphère lorsque j’y 2015_appartment_minisuis. C’est après-midi nous passerons à 28 miles au nord de l’île Yéménite de Socotra, où selon le 3ème officier, il y aurait encore des actes de cannibalisme, ce qui évidemment demande vérification. J’ai envoyé un e-mail à l’hôtel Bencooleen de Singapour pour rallonger ma réservation, mais pas de réponse. Poulet grillé brésilien, frites au menu de ce soir. La soirée est animée au bar des officier avec Yvan le Monténégrin au service, Antonio le Croate à la sono qui nous met un clip d’Alizée sur France 2, et moi à une table avec le capitaine et le 1st Engineer. Je regarde Revolutionary Road sur le laptop, mais des sauts de plusieurs minutes rendent la compréhension du film un peu pénible. Je vérifierai demain avec un autre film si c’est une histoire de disque ou de lecteur.

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Jour 16
Je n’ai pas besoin d’ouvrir les stores pour savoir que la mer est démontée et que nous sommes vent de travers. Le bateau roule avec une oscillation de 20 secondes. Nous sommes sortis du golfe d’Aden et avons passé au cap 110 avec un vent de force 5 à 6. Au petit-déjeuner, les marins rigolent moins devant le toaster, qu’hier soir devant le frigo du bar. Je renvoie un message à l’hôtel Bencoolen en utilisant une autre adresse, je n’avais peut-être pas utilisé la bonne. Dario de la passerelle nous demande une nouvelle fois d’avancer nos montres d’une heure à 13h30. Nous avons maintenant trois heures d’avance sur la Suisse et trois de retard sur Singapour. Le passager avant moi était français ce qui explique pourquoi je déniche quelques films dans la langue de Molière, dans les piles de disques hyper usés des salles de loisir des officiers et des philippins. Au laptop ce soir: Mains Armées, excellent film sur les trafiquants d’armes volées à l’Otan entre la Serbie et la France. Le laptop fonctionne très bien, hier c’était le disque qui foirait hier.

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Jour 17
Une journée sans surprise commence. J’entreprends de réfléchir à une nouvelle brochure pour le cours juniors d’opti 2015 du CNB. J’aimerais simplifier les notions enseignées à des enfants de 8 à 12 ans, l’ancienne brochure 2014 est beaucoup trop compliquée. Ce soir l’ambiance au mess des officiers est morte, à part les éternels joueurs de foot sur l’écran, qui sont vraiment des pros. Au laptop ce soir: Arrêtez-moi, avec Miou Miou et Sophie Marceau, excellent drame psychologique.

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Jour 18
La mer est d’huile ce matin, la température est de 25 degrés à l’ombre. Je crois que je vais renoncer à la plage aujourd’hui, le soleil est trop fort. J’ai rendez-vous avec le capitaine à 9h pour téléphoner à l’hôtel Bencoolen puisque que je n’ai reçu aucune réponse. Je n’ai pas plus de succès avec le téléphone du bord et décide donc d’abandonner de modifier ma réservation et de la laisser telle quelle, du 1 au 5 février, je verrai à Kuala Lumpur. Nous demandons tout de même à l’agent de me réserver une chambre à KL du 28 au 30 janvier, ainsi qu’un transport de Port Kelang à Kuala. Apparemment je suis le seul à débarquer mais il y a deux techniciens qui devraient embarquer et serai apparemment pris en charge par le même véhicule. Je n’ai plus que 4 jours plein à passer à bord, ce qui me dit qu’il est temps de faire une dernière lessive. Les philippins s’affairent sur le pont D, je pense qu’une grillade est en préparation pour ce soir. La fête satisfait tout le monde. Le capitaine, spécialiste du dépeçage de cochon de lait grillé, s’affaire à couper la bête. La vision de ce repas au milieu des conteneurs, avec la mer en toile de fond, est assez nouvelle pour moi. Je fais une masse de photos que surtout les philippins apprécieront. Au laptop ce soir: Son Frère, un film de Patrice Chéreau. Film nul et déprimant.

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Jour 19
Première chose à faire ce matin, transférer les photos du barbecue sur la clé USB du Cooky pour les lui apporter au petit-déjeuner. Ma lessive est sèche, une séance de repassage s’impose. Nous passons devant le Sri Lanka à 7h ce matin, Au laptop ce soir: Commissaire Bellamy. Pas génial et ce n’est pas Depardieu qui remonte le niveau.

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Jour 20: 26 janvier
Lever tardif ce matin à 8h30, mais qui est en fait 7h30. Je passe ma matinée à étudier le Routard en préparation de nos trois semaines en Malaisie et à Singapour du 2 au 22 février. Quelle option choisir entre les voyages en bus ou voiture de location. Ma préférence irait aux bus qui est plus sûr et plus décontracté, d’autant plus que le Routard dis que la Malaisie est très bien organisé sur ce plan là. A minuit ce soir nous tournerons sur tribord pour entrer dans le détroit de Malacca, un des endroit les plus fréquenté du monde. Pour le moment un gros orage s’abat sur nous. Il y a des bateaux partout et heureusement qu’on voit les voit sur les radars. Je ferme ma fenêtre et surtout rentre la chaise que j’ai installé sur ma plage. Les premières gouttes de pluie nous tombent dessus depuis mon départ de Bevaix. Le premier achat à terre pourrait bien être l’achat de bottes. J’ai imaginé une suite au voyage avec Corinne mais il me manque quelques informations que j’obtiendrai à Kuala Lumpur. L’idée serait de trouver un voyage organisé pour Cameron Highlangs et Taman Negara. Ce dernier est, selon le Routard le seul endroit trois étoiles en Malaisie, la dernière forêt primaire du pays. Nous devrions être amarré à minuit mardi soir à Port Kelang. Au laptop ce soir: L’Assaut. Décembre 1994, histoire presque vraie du détournement d’un avion d’AF d’Alger sur Marseille. Bon film.

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Jour 21
Ultime et 22ème jour entier à bord. Dernier rebondissement, nous n’entrerons pas dans le port à minuit mais jetterons l’ancre devant, retardant évidemment mon débarquement. Nous seront peut-être à quai demain dans l’après-midi. Après une dernière séance de gym je vais pourvoir paqueter mes affaires de manière à être prêt demain pour le débarquement. Les choses ne se passent pas comme prévu, notre place au port est occupée par le MS Chicago.

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Le détroit de Malacca
On change de décors par rapport aux jours précédents. La température est montée en flèche à 30o. Nous sommes entourés de bateaux de pêche qui ne sont visibles qu’aux jumelles car ils sont petits et comme des fantômes dans l’humidité de la mer. Les cargos se suivent sans répit un peu n’importe comment car il n’y a pas de séparation de trafic dans ce passage le plus fréquenté du monde, ce qui étonne mes neurones de novice, Les morceaux de plastiques flottants font leur apparition alors que je n’en ai jamais vus jusqu’ici. Aller, pour mettre une notion scientifique dans le phénomène, en regardant fixement à 50 mètres du bateau, on en voit toujours un flotter. Je ne pense pas que toutes les bouteilles contiennent un message de détresse.

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Jour 22: 28 janvier
Dernier jours à bord. A 4h nous sommes à l’ancre au milieu de toute une flottille de navires à attendre notre tour. Le port devrait nous appeler autour de 20h, le ZIM Chicago occupe toujours notre place. J’ai donc une dernière journée à m’occuper. Mon bagage ayant été trop lourd à l’embarquement, je l’allège au maximum. Je contente le messman en lui donnant quelques habits. Les livres iront à la bibliothèque du bord et le reste du chocolat au Cooky. J’ai eu raison de choisir le transport avec voiture jusqu’à l’hôtel plutôt que le trajet voiture puis train. N’étant pas certaine de l’heure de débarquement, j’évite ainsi de me retrouver seul en pleine ville inconnue, de nuit avec mes bagages sans savoir où aller. Je fais un saut, casqué, jusqu’au château avant mais la chaleur est telle que je fais vite marche arrière. Je termine aujourd’hui la transcription de mon journal de voyage de 1974 et j’arrive à 40 pages A4, sans une selection de photos que je vais ajouter en Suisse. Nous avons rendez-vous avec le pilote à 20h, donc la décision est prise, je débarquerai demain matin après le petit-déjeuner. Ce sera en effet plus facile que de courir dans la nuit après un visa et toutes les formalités requises. Mais le choses se précipitent le soir. Le cadet me téléphone à 22h30 me disant que je devrais aller à l’immigration à 11h. A 23h05 il frappe à ma porte indigné que je ne me sois pas présenté au rendez-vous. En fait, s’il m’avait dit 23h00 et non 11h00, j’aurais compris que le rendez-était ce soir et non demain matin. Voilà pourquoi à bord d’un bateau il faut stricte avec les chiffres et les heures. Je me rhabille et sort du bateau pour aller à l’immigration qui est à 5 minutes de voitures. Un jeune employé de l’agent CMA CGM à Port Kelang m’y emmène où mon passeport est timbré par l’immigration.

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Jour 23: 29 janvier
Dernier petit-déjeuner à bord et débarquement à 11h30. L’agent vient me chercher pour me conduire à Kuala Lumpur à 1 heure et demie du terminal de Westports.

Port Kelang Westports, un quai rectiligne de 7 km de long est construit à droite en entrant dans le fleuve. Le terminal enregiste 6 millions de mouvements de conteneurs par an et compte doubler ces prochaines années.

C’est fini, la suite en Malaisie

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